Soie de nos jours
Une fois de plus une fois encore
aux coutures du temps
La Loire découvre ses chevilles
et les remous du ciel accrochent aux sables
des cocardes de lin
L'eau retrouve ses berges
Les épis percent
Toison blanc manteau
blanc troupeau
Les vignes nues ont subi la gelée
Le vent a fait le grand ménage
Terre plate le fleuve file vers son abîme doux
Lenteur d'un ciel violet et mauve et rose
À ses vitres perchées Champtoceaux
hisse ses girandoles de soleils en goguette
Plus verte que jamais
Ma Loire aux miroirs
va boire aux boires
que lapent les troupeaux
Au beau milieu du lit
unique
un signal rouge et blanc
assigne au fleuve sa ligne légitime
Ami des fausses perspectives
il se dérobe au gré des gris
qu'exsudent les lentes terres surprises
par les eaux mouchetées
de mille boutons d'or hâtifs
parures incongrues
des batailles anciennes
autour des ponts de l'an quarante
Sur la glissière stéréoscopique
les doubles vues repassent sans relief
Que sont ces fleurs mousseuses
jabots des marquises de lune
Certes ce train qui va vers son couchant rituel
Corail aux lèvres des hôtesses
pose un sourire de commande
sur tous les voyageurs de l'impériale
Ces eaux sont féminines
Les colliers de bras morts
Enserrent les îles
L'amour ne peut changer son nom
Ô mon visage dans la nuit
Château châteaux de rêve sur le penchant du jour
La brume noie la verdure
Les haies s'entrouvrent pour le final grandiose
Puisqu'il est vrai que les sables découvrent
un soir de plein été qui te sourit
et que les martinets signent de leurs loopings
Yves Cosson
Les feuillets de la forêt
1984