Ma Loire aux miroirs : Yves COSSON

pldg20140008-meSoie de nos jours

Une fois de plus une fois encore

aux coutures du temps

La Loire découvre ses chevilles

et les remous du ciel accrochent aux sables

des cocardes de lin

L'eau retrouve ses berges

Les épis percent

Toison blanc manteau

blanc troupeau

Les vignes nues ont subi la gelée

Le vent a fait le grand ménage

Terre plate le fleuve file vers son abîme doux

Lenteur d'un ciel violet et mauve et rose

À ses vitres perchées Champtoceaux

hisse ses girandoles de soleils en goguette

Plus verte que jamais

Ma Loire aux miroirs

va boire aux boires

que lapent les troupeaux

Au beau milieu du lit

unique

un signal rouge et blanc

assigne au fleuve sa ligne légitime

Ami des fausses perspectives

il se dérobe au gré des gris

qu'exsudent les lentes terres surprises

par les eaux mouchetées

de mille boutons d'or hâtifs

parures incongrues

des batailles anciennes

autour des ponts de l'an quarante

Sur la glissière stéréoscopique

les doubles vues repassent sans relief

Que sont ces fleurs mousseuses

jabots des marquises de lune

Certes ce train qui va vers son couchant rituel

Corail aux lèvres des hôtesses

pose un sourire de commande

sur tous les voyageurs de l'impériale

Ces eaux sont féminines

Les colliers de bras morts

Enserrent les îles

L'amour ne peut changer son nom

Ô mon visage dans la nuit

Château châteaux de rêve sur le penchant du jour

La brume noie la verdure

Les haies s'entrouvrent pour le final grandiose

Puisqu'il est vrai que les sables découvrent

un soir de plein été qui te sourit

et que les martinets signent de leurs loopings

Yves Cosson

Les feuillets de la forêt

1984